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PROCOPE LE GRAND.

nels de lèse-société. Et s’ils voulaient plaider leur cause, l’Évangile à la main, ils seraient condamnés à la prison, à l’exil, à la mort peut-être. Et là, sur l’échafaud, un prêtre viendrait encore leur montrer le gibet, l’instrument du supplice de cet homme divin qui crut à l’Égalité, et qui fut condamné et immolé pour n’avoir pas ménagé les puissances de son temps, pour n’avoir pas redouté Caïphe et Pilate. Ô société inique et absurde ! où est donc ta force, puisque toi-même tu courbes le front et plies le genou devant l’image du représentant et du révélateur de cette Doctrine que tu condamnes ! Ô Révélation de l’Égalité ! quelle n’est donc pas ta puissance, puisque tu triomphes encore dans ton symbole, puisque tu protestes toujours contre le mensonge qui se pare de ton nom, puisque tu es toujours parmi nous sous la figure d’une croix rayonnante, pour proclamer au monde que ton règne, après deux mille ans, ne l’ait encore que de commencer !

Procope était, comme Ziska, un gentilhomme bohème de médiocre fortune. Élevé et adopté par un oncle qui le destinait à l’état ecclésiastique, il voyagea en France, en Italie, en Espagne, et jusque dans la Terre-Sainte. À son retour, rasé et ordonné prêtre malgré lui, il quitta bientôt la soutane pour l’épée, et s’élança sous les étendards de Ziska. On l’a déjà vu se distinguer en Moravie contre les Autrichiens et Jean, l’évêque de fer. À la mort du redoutable aveugle, il fut élu chef des Taborites. Ziska, comme nous l’avons vu dans le précédent récit, mourut en 1424, désignant lui-même pour son successeur Procope, surnommé Rase, ou le Rasé, à cause de la circonstance que nous venons de mentionner. Quant au surnom de Grand, peut-être ne fut-il donné d’abord à Procope qu’à cause de sa taille et pour le distinguer d’un autre Procope sur-