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LE COMPAGNON

— Et à Paris, vous avez conservé des relations avec la famille de Villepreux ?

— Certainement. Est-ce que cela ne vous paraît pas naturel ?

— Oh ! mon Dieu, si, répondit Pierre avec un peu d’ironie ; il n’est pas nécessaire d’inventer autre chose.

— Comment, inventer ? que voulez-vous dire ? Supposeriez-vous que je fusse en rapport politique avec le vieux seigneur ? Ce serait une chose bien invraisemblable, et d’ailleurs vous ne voudriez pas m’interroger sur un point où il ne s’agirait pas de moi seul.

— Je n’y songeais seulement pas. Vous voyant très à l’aise avec la demoiselle du château…

— Eh bien, eh bien, achevez ! que supposiez-vous ? Elle a de l’esprit, la petite Yseult, n’est-ce pas ? Elle m’a dit qu’elle avait causé avec vous, et je ne sais pas tout le bien qu’elle ne m’a pas dit de vous en trois mots brefs et nets, selon sa coutume. Drôle de fille ! la trouvez-vous jolie ?

Cette manière de définir et d’analyser la personne à laquelle Pierre n’osait songer sans trembler, lui fit une telle révolution qu’il fut quelques instants sans pouvoir répondre. Enfin, comme Achille insistait singulièrement, il répondit qu’il ne l’avait pas regardée.

— Eh bien, regardez-la, reprit Achille, et je vous dirai ensuite quelque chose. — Eh bien, dites-le-moi tout de suite, afin que je me souvienne de la regarder, répondit Pierre dont la curiosité était vivement et péniblement excitée, mais qui n’en voulait rien laisser paraître.

Achille lui prit le bras, et, s’éloignant du château, il l’emmena à quelque distance d’un air de mystère enjoué qui fit souffrir mille tortures à Pierre Huguenin. Quand ils se furent convenablement éloignés : — Vous n’avez