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LE COMPAGNON

violation du mariage elle ne méprisait point le choix qu’elle avait fait ; mais elle ne l’approuva pas non plus. D’après ce que la Savinienne lui avait confié du passé du Corinthien, Yseult pressentait de plus en plus dans ce jeune homme des instincts et une destinée peu compatibles avec le bonheur d’une femme, quelle qu’elle fût. Elle osa dire toute sa pensée à la marquise, et lui fit faire des réflexions qu’elle n’avait pas encore faites sur l’effrayante personnalité qui se développait insensiblement chez le Corinthien depuis le jour où la protection de M. de Villepreux l’avait fait sortir du néant.

Joséphine commençait à se calmer, et le langage de la raison la préparait à entendre celui de la morale, lorsqu’on frappa à la porte. Yseult ayant été voir ce que c’était, ouvrit à son grand-père en lui adressant, comme elle faisait toujours en le voyant, quelque tendre parole.

— Va-t’en, mon enfant, dit le comte. Je veux être seul avec ta cousine.

Yseult obéit, et M. de Villepreux, s’asseyant avec une lenteur solennelle, entama ainsi l’entretien :

— J’ai à vous parler, ma chère Joséphine, de choses assez délicates et des plus grands secrets qu’une femme puisse avoir. Êtes-vous bien certaine que personne ne peut nous entendre ?

— Mais je crois que cela est impossible, dit Joséphine, un peu interdite de ce préambule et du regard scrutateur que le comte attachait sur elle.

— Eh bien, reprit-il, regardez aux portes… À toutes les portes !

Joséphine se leva, et alla voir si la porte de sa chambre qui donnait sur le corridor, et celle qui communiquait avec les autres pièces de l’appartement, étaient bien fermées ; puis elle revint pour s’asseoir.

— Vous oubliez une porte, lui dit le comte en prenant une