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DU TOUR DE FRANCE.

tre son lit, et en se tordant les mains avec des torrents de larmes. Yseult fut effrayée de ce désespoir, qu’elle avait pressenti depuis quelque temps en voyant les traits de Joséphine s’altérer et son caractère s’aigrir. Elle y prit part avec toute la bonté de son cœur et tout le zèle de ses intentions ; et, la serrant dans ses bras, elle la supplia, avec de tendres caresses et de douces paroles, de lui ouvrir son âme.

Certes, la marquise ne pouvait rien faire de plus déplacé, de plus coupable peut-être, que de confier son secret à une jeune fille chaste, pour laquelle l’amour avait encore des mystères où l’imagination n’avait voulu pénétrer ; mais Joséphine n’était plus maîtresse d’elle-même. Elle déroula devant sa cousine, avec une sorte de cynisme exalté, tout le triste roman de ses amours avec le Corinthien ; et elle termina par une théorie du suicide qui n’était pas trop affectée dans ce moment-là.

Yseult écouta ce récit en silence et les yeux baissés. Plusieurs fois la rougeur lui monta au visage, plusieurs fois elle fut sur le point d’arrêter l’effusion de Joséphine. Mais chaque fois elle se commanda le courage, étouffa un soupir, et se soutint ferme et résolue, comme une jeune sœur de charité qui voit pour la première fois une opération de chirurgie, et qui, prête à défaillir, surmonte son dégoût et son effroi par la pensée d’être utile et de soulager un membre de la famille du Christ.

Répondre à cette confession, porter sur Joséphine un jugement qui ne la blessât point, ou justifier un amour adultère, était tout aussi impossible l’un que l’autre à mademoiselle de Villepreux. Il eût fallu raisonner sur des principes ; Joséphine n’en avait pas et ne pouvait pas en avoir, grâce à son éducation, à son mariage, et à sa position fausse et douloureuse dans la société. Yseult tâcha cependant de lui faire comprendre qu’en condamnant sa