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LE COMPAGNON

et le vert gazon du parc, qu’ils oublièrent leur fatigue, sautèrent à bas de leur âne, et se mirent à courir joyeusement, tandis que l’âne, profitant de l’occasion, attrapait de temps en temps, à la dérobée, un rameau de verdure le long des charmilles.

— Vous avez là de bien beaux enfants, dit Yseult en embrassant la petite fille, et en prenant le petit garçon dans ses bras pour lui faire cueillir des pommes sur un pommier.

— De pauvres enfants sans père ! répondit la femme du peuple. J’ai perdu mon bon mari le printemps dernier.

— Vous a-t-il au moins laissé un peu de bien ?

— Rien du tout ; et certes ce n’est pas sa faute : ce n’est pas le cœur qui lui a manqué !

— Et venez-vous de bien loin, comme cela, à pied ?

— Je suis venue en patache jusqu’à la ville voisine. Là on m’a dit qu’il fallait prendre la traverse. On m’a indiqué assez bien le chemin, et on m’a loué ce pauvre âne pour porter mes petits.

— Et quel est le but de votre voyage ?

— Je m’arrête ici, ma chère demoiselle, j’y viens passer quelque temps.

— Avez-vous des parents dans notre bourg ?

— J’y ai des amis… c’est-à-dire, ajouta la voyageuse, comme si elle eût craint de ne pas s’exprimer avec assez de réserve, des amis de mon défunt mari qui m’ont écrit que je pourrais m’occuper, et qui m’ont promis de me chercher de la clientelle.

— Que savez-vous faire ?

— Coudre, blanchir et repasser le linge fin.

— C’est à merveille. Il n’y a pas de lingère ici. Vous aurez la pratique du château, et ce sera de quoi vous occuper toute l’année.

— Vous me la ferez avoir ?