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DU TOUR DE FRANCE.

bonne amazone ; elle dirigeait adroitement son cheval, et lui faisait franchir les fossés et les barrières avec ce calme dont on ne la voyait jamais se départir. Ce talent d’équitation était le seul qui lui attirât un peu de considération de la part de son frère et des nobles damoiseaux du voisinage. Elle aimait beaucoup cet exercice ; et comme il était bien difficile qu’elle n’eût pas, sous son grave extérieur, un peu des goûts et des entraînements de l’enfance, elle se laissa vaincre peu à peu. Il y avait quelque temps qu’elle n’était montée à cheval : elle voulut s’exercer seule dans le parc. Pierre, qui la guettait sans cesse, se trouva sur son passage, comme elle fondait l’air avec la rapidité d’une flèche. Elle s’arrêta court devant lui, et lui demanda en riant s’il n’était pas scandalisé de la voir se livrer à un amusement aussi aristocratique. Pierre sourit à son tour, mais avec tant d’effort, et son regard trahissait une tristesse si profonde, qu’Iseult pressentit tout ce qui se passait en lui. Elle voulut s’en assurer : — Vous savez qu’il y a une grande partie de chasse demain ? lui dit-elle.

— Je l’ai entendu dire, répondit Pierre.

— Et savez-vous qu’on veut m’y emmener ?

— Je n’ai pas cru que vous iriez.

En faisant cette réponse, Pierre laissa lire apparemment jusqu’au fond de son âme ; car mademoiselle de Villepreux, après un moment de silence, durant lequel elle le considéra attentivement, lui dit avec une douceur ineffable et une émotion profonde : — Je vous remercie, Pierre, de n’avoir pas douté ! Puis elle reprit sa course impétueuse, fit deux ou trois fois le tour du parc, et revint devant le château, où son frère l’attendait avec le comte et Joséphine. Pierre réparait un petit banc rustique à trois pas de là. — Tiens, reprends ton cheval, dit Yseult à Raoul en sautant légèrement sur le gazon. Il ne me plaît pas le