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LE COMPAGNON

et comme dévoué aux intérêts de sa veuve plus qu’aux miens propres, je me flattais d’être son conseil et son guide dans une telle occasion. Eh bien, elle a agi autrement, Elle a fait mettre son établissement en vente sous mon nom, déclarant devant la loi que ce n’était point la propriété de ses enfants, mais la mienne, parce que j’en avais fourni les fonds et qu’ils ne m’étaient point remboursés. Et quand je lui en ai fait des reproches, elle m’a répondu que c’était son devoir d’agir ainsi, et qu’elle ne voulait pas me tromper plus longtemps, son intention étant de ne point se remarier. Villepreux, elle m’a dit que vous connaissiez ses raisons, et qu’elle vous avait confié tout ce qui s’était passé entre moi et son mari à l’article de la mort. Je ne vous demande rien, mon cher Pays, j’en sais bien assez. Quand on a le malheur de n’être pas aimé, on doit savoir souffrir, et ne pas descendre à la plainte. Si je vous écris, c’est pour un autre motif. Je vois bien que la Mère a l’intention de quitter Blois, et je pense qu’elle cherche à s’établir de votre côté. Mais je crois qu’elle est sans ressource, quoiqu’elle m’assure avoir quelques économies. Elle se fait un point d’honneur de ne pas rester endettée avec un homme qu’elle refuse de prendre pour mari. Mais c’est une fierté mal entendue, et qu’elle n’a pas le droit de me témoigner. Je n’ai rien fait pour être méprisé ainsi, et traité comme un créancier. Je saurai me résigner à cet affront ; apparemment j’ai commis quelque faute dont il plaît à Dieu de me punir en m’envoyant beaucoup de chagrin. Mais je ne me soumettrai pas à voir cette femme, que son mari m’avait confiée, tomber dans la misère avec ses enfants. Je sais, pays Villepreux, que vous n’êtes pas riche, sans quoi je ne me mettrais pas en peine. Je sais aussi qu’une personne sur laquelle on compte sans doute n’a rien que son tra-