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LE COMPAGNON

défendre de les relever. Le lendemain, tandis qu’il travaillait à la volière, Yseult vint, comme de coutume, jouer avec son chevreuil qui vivait dans le parc réservé, et donner la becquée à ses jeunes oiseaux qu’elle élevait dans des cages provisoires. Puis elle prit son livre, et fit quelques tours le long de ses plates-bandes ; et enfin elle revint auprès de Pierre, à qui elle avait souhaité seulement le bonjour, et se décida à entamer la conversation. Pierre voyait bien qu’il y avait quelque chose d’insolite dans sa manière d’être : car elle avait l’habitude de l’aborder plus ouvertement, de lui demander des nouvelles de son père et de lui raconter les nouvelles des journaux, tandis qu’il l’aidait à détacher le chevreuil ou à refermer les cages.

— Maître Pierre, lui dit-elle en souriant avec finesse, j’ai aujourd’hui une fantaisie : c’est de savoir ce qu’on dit de moi dans le pays. — Comment pourrais-je vous l’apprendre, mademoiselle ? répondit Pierre, surpris et intimidé de cette demande. — Oh ! vous le pouvez très-bien, reprit-elle avec enjouement, car vous le savez ; et il paraît même que vous avez la bonté d’être mon champion quelquefois. Julie a raconté à ma cousine que vous aviez réduit au silence, hier, sous la ramée, deux jeunes gens qui parlaient de moi assez singulièrement. Mais son récit était si bien tourné que madame des Frenays n’y a presque rien compris. Ne pourriez-vous pas me dire tout simplement ce que l’on disait de moi, et à quel propos vous vous êtes déclaré mon défenseur ? — Je dois peut-être vous demander pardon de l’avoir fait, répondit Pierre avec embarras ; car il est des personnes tellement au-dessus des atteintes de la sottise, que c’est presque les outrager que de les défendre. — C’est égal, reprit damoiselle de Villepreux, je sais que vous avez plaidé ma cause avec zèle, et j’en suis reconnaissante ; mais je veux