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DU TOUR DE FRANCE.

Son départ remplit de douleur et d’effroi le cœur de Pierre Huguenin. Il s’imagina qu’il n’aurait plus d’occasion et de motif pour revoir Yseult dans le parc. Mais tout à coup la Providence, ou plutôt la pudique complicité de l’amour, suggéra d’heureux prétextes à de nouvelles entrevues.

Un orage avait renversé la volière du parc réservé. Yseult parut tenir extraordinairement à ses oiseaux, et demanda à Pierre Huguenin de leur construire une nouvelle demeure. Il fit sur-le-champ le dessin d’un joli petit temple en bois et en fil d’archal, qui devait enfermer le bassin et le jet d’eau, avec ses grandes marges de gazon, de roseaux et de mousses pour les oiseaux aquatiques. Des arbustes d’une assez belle taille devaient tenir tout entiers dans cette cage spacieuse ; des plantes grimpantes devaient l’envelopper d’un réseau extérieur de verdure ; enfin un grand parasol de zinc devait préserver de la pluie et du soleil trop ardent les oiseaux délicats des régions étrangères.

L’impatience qu’Yseult témoignait de voir élever ce monument ornithologique engagea le père Huguenin à consentir à ce que son fils et le Berrichon s’y consacrassent pendant quelques jours. Une quinzaine devait suffire à ce travail. Mais il dura bien davantage.

D’abord le Berrichon n’y entendait rien du tout. Il eut beau affirmer que Pierre était plus difficile que de coutume, et déclarer qu’il y avait de l’injustice à lui faire recommencer minutieusement des pièces qu’il avait établies avec tout le soin possible, Pierre, lui prouvant avec douceur, mais avec persévérance, que cet ouvrage était trop délicat pour lui, l’employa seulement à lui préparer les pièces dans l’atelier, et à courir de tous les côtés pour lui faire cent commissions par jour. Il l’envoya trois fois à la ville voisine pour lui chercher du fil de fer. Le premier