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lui-même son chef-d’œuvre), Maître Martin le Tonnelier, à poétiser cette belle phase de la jeunesse de l’apprenti, qui renferme la présentation à la maîtrise, l’exécution du chef-d’œuvre, la réception du nouveau maître, etc. Aujourd’hui que la maîtrise n’est plus un droit conquis et disputé, mais un fait libre et facultatif, on ne voit guère reparaître publiquement[1] le chef-d’œuvre que dans les défis du compagnonnage. Lorsqu’il s’agit de jouer une ville, le concours s’établit. Chaque parti choisit, parmi ses membres les plus habiles, un ou plusieurs champions qui travaillent avec ardeur à confondre l’orgueil des rivaux par la confection d’une pièce difficile proposée au concours. Le jury est composé d’arbitres choisis indifféremment dans les divers Devoirs, et quelquefois parmi des maîtres étrangers à toute société, ou d’anciens compagnons retirés de l’association et réputés intègres, et le plus souvent parmi des gens de l’art. Leur sentence est sans appel. Quelque mécontentement, quelques secrets murmures qu’elle excite, le parti vaincu dans son représentant est forcé de quitter la place pour un temps plus ou moins long, suivant les conventions réglées avant l’épreuve.

Telle était la crise décisive où se trouvaient les Devoirs de Blois à l’approche de Pierre et d’Amaury. Les Gavots n’occupant Blois que depuis quelques années soutenaient, pour s’y maintenir contre les autres sociétés plus anciennement établies, des luttes violentes. Déjà la guerre avait éclaté sur plusieurs points. Les charpentiers Drilles ou du père Soubise n’étant pas moins acharnés que les menuisiers Dévorants contre les menuisiers Gavots. En face de tant d’ennemis menaçants, ces derniers avaient dû songer à se préserver, du moins, de la violence des menuisiers par la trêve que nécessite un concours ; et,

  1. On l’exige dans certains corps d’état pour la réception du compagnon.