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reusement. Aucun compagnon-passant ne mit le pied sur le domaine des compagnons-étrangers. Mais, dans ces derniers temps, le terme du traité étant expiré, les bannis se crurent en droit de revenir exploiter un pays redevenu libre. Les enfants de Salomon n’eut jugèrent pas ainsi ; ils trouvaient la position bonne, et prétendaient que cent ans de possession devaient leur constituer un droit imprescriptible. On parlementa, on ne s’entendit point ; on se battit, l’autorité intervint pour les combattants. Plusieurs champions des deux partis avaient commis de tels exploits, qu’ils furent envoyés en prison, et même aux galères. Mais la loi, ne protégeant pas et n’avouant pas ce mode d’organisation en sociétés maçonniques, ne put terminer le différend. La cause est pendante devant les tribunaux secrets du compagnonnage, et il est à craindre que bien des héros du tour de France n’y sacrifient encore leur sang ou leur liberté. Espérons pourtant que les tentatives philosophiques de quelques-uns de ces compagnons, esprits éclairés et généreux, qui ont entrepris récemment le grand œuvre d’une fusion entre tous les Devoirs rivaux, vaincront les préjugés qu’ils combattent et feront triompher le principe de fraternité.

Il nous reste un mot à dire sur le genre d’épreuve à laquelle on a soumis jusqu’à présent ces débats. On ne s’en remet pas au sort, mais au concours. De part et d’autre on exécute une pièce d’ouvrage équivalant à ce que, dans les antiques jurandes, on appelait le chef-d’œuvre. Tout le monde sait que, dans l’ancienne organisation par confréries ou corporations, nul ne pouvait être admis à la maîtrise sans avoir présenté cette pièce au jugement des syndics, jurés et gardes-métier chargés de constater la capacité de l’aspirant. Hoffmann a consacré un de ses contes (celui qu’il eût pu, à bon droit, appeler