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Alors la Jambe-de-bois, avec une merveilleuse agilité, se mit à courir dans tous les coins de sa maison et de son jardin. Il tira de sa poissonnerie deux belles tanches qu’il mit dans la poêle, et la friture commença de frémir et de chanter sur le feu, tandis que la pluie battait les vitres en cadence, et que la Loire, bouleversée par l’ouragan, mugissait au dehors. Pierre voulait empêcher son hôte de prendre tous ces soins ; mais quand il vit qu’il avait tant de plaisir à lui faire fête, il l’aida dans ses fonctions de maître d’hôtel et de cuisinier.

Ils allaient se mettre à table, lorsqu’on frappa à la porte.

— Allez ouvrir, s’il vous plaît, dit Vaudois à son hôte, et faites les honneurs de la maison.

Mais il faillit laisser tomber le plat fumant qu’il tenait dans ses mains, lorsqu’il vit l’Ami-du-trait et le nouvel arrivant sauter au cou l’un de l’autre avec transport. Ce voyageur, couvert de boue et trempé jusqu’aux os, n’était rien moins que l’excellent compagnon menuisier Amaury, dit Nantais-le-Corinthien, un des plus fermes soutiens du Devoir de liberté, l’ami le plus cher de Pierre Huguenin, en outre un des plus jolis garçons qu’il y eût sur le tour de France.

— C’est donc le jour des rencontres ! s’écria Vaudois, à qui Pierre avait conté son aventure avec la Terreur des gavots de Carcassonne. Voici un de nos frères, sans doute ; car vous vous donnez une accolade de bien bon cœur.

Aussitôt que le bon Vaudois sut que son hôte était l’ami de Pierre et l’enfant de son Devoir, il fit flamber son feu, invita le Corinthien à s’approcher, et lui prêta même une veste, de peur qu’il ne s’enrhumât, pendant qu’il faisait sécher la sienne.

Tandis que le jeune homme se réchauffait, car toute