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NOTICE

En lisant l’ouvrage d’un homme alors assez obscur, et aujourd’hui fort en vue (le Livre du Compagnonnage, par Agricol Perdiguier, menuisier au faubourg Saint-Antoine, aujourd’hui représentant du peuple), je fus frappé, non-seulement de la poésie des antiques initiations du Devoir, mais encore de l’importance morale du sujet, et j’écrivis le roman du Compagnon du Tour de France dans des idées sincèrement progressives. Il me fut bien impossible, en cherchant à représenter un type d’ouvrier aussi avancé que notre temps le comporte, de ne pas lui donner des idées sur la société présente et des aspirations vers la société future. Cependant on cria, dans certaines classes, à l’impossible, à l’exagération, on m’accusa de flatter le peuple de vouloir l’embellir. Eh bien, pourquoi non ? Pourquoi, en supposant que mon type fût trop idéalisé, n’aurais-je eu le droit de faire pour les hommes du peuple ce qu’on m’avait permis de faire pour ceux des autres classes ? Pourquoi n’aurais-je pas tracé un portrait, le plus agréable et le plus sérieux possible, pour que tous les ouvriers intelligents et bons eussent le désir de lui ressembler ? Depuis quand le roman est-il forcément la peinture de ce qui est, la dure et froide réalité des hommes et des choses contemporaines ? Il en peut être ainsi, je le sais, et Balzac, un maître devant le talent duquel je me suis toujours incliné, a fait la Comédie humaine. Mais, tout en étant lié d’amitié avec cet homme illustre, je voyais les choses humaines sous un tout autre aspect, et je me souviens de lui avoir dit, à peu