vous voilà, monsieur Lerebours ? J’ai bien l’honneur de vous saluer. Vous me faites honneur ; pas trop bien, et vous-même ? Voilà ma fille ! Charmé de vous revoir ! Ayez la bonté de nous faire vite amener les chevaux.
Tel fut l’accueil bref et poliment ennuyé du comte, où les réponses attendaient à peine les demandes. Les chevaux attelés, on allait repartir sans faire la moindre attention à M. Isidore, qui se tenait debout auprès de son père, lançant des regards effrontés dans la voiture, si le postillon ne se fût fait attendre, suivant l’usage ; alors une petite tête brune et pâle, d’une expression assez fine, sortit à demi de la voiture, et reçut d’un air froidement étonné le salut familier de l’employé aux ponts et chaussées.
— Qu’est-ce que ce garçon-là ? dit le comte en toisant Isidore.
— C’est mon fils, répondit l’intendant d’un air humble et triomphant en dessous.
— Ah ! ah ! c’est Isidore ! Je ne te reconnaissais pas, mon garçon. Tu as bien grandi, bien grossi ! Je ne t’en fais pas mon compliment. À ton âge il faut être plus élancé que cela. As-tu fini par apprendre à lire ?
— Oh oui ! monsieur le comte, répondit Isidore, attribuant l’appréciation rapide que le comte faisait de son physique et de son moral à la bienveillance railleuse qu’il lui connaissait : je suis employé, j’ai fini mes études depuis longtemps.
— En ce cas, dit le comte, tu es plus avancé que Raoul, qui n’a pas terminé les siennes.
En parlant ainsi, le vieux comte désignait son petit-fils, jeune homme d’une vingtaine d’années, assez étiolé et d’une physionomie insignifiante, qui, pour mieux voir le pays, était grimpé sur le siége à côté du valet de chambre. Isidore jeta un regard vers son ancien compagnon d’enfance, et ils échangèrent un salut en soulevant leurs cas-