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travaillent ; mais enfin… que sais-je ?… Je te le demande à toi-même, Joséphine. Tu dois savoir mieux que moi ce qui est convenable et ce qui ne l’est pas.

— Je ferai ce que tu voudras, répondit la marquise avec une petite moue qui ne l’enlaidissait point.

— Cela semble te contrarier, ma pauvre enfant ? reprit Yseult.

— Je l’avoue, ce dessin m’amusait. Il y avait là quelque chose de joli à faire, et j’aurais fini par réussir.

— Je ne t’ai jamais vue si passionnée pour le dessin, Joséphine.

— Et toi, je ne t’ai jamais vue si anglaise, Yseult.

— Eh bien, si tu y tiens tant, continue. Je supporterai encore le bruit du marteau qui me fend le cerveau, et cette malheureuse scie qui me fait mal aux dents, et cette maudite poussière qui gâte tous mes livres et tous mes meubles.

— Non, non, je ne veux pas de cela. Mais quelle différence trouves-tu donc à ce que nous soyons séparées par une porte ou par une tapisserie ?

— Moi ? je ne sais pas ; il me semble que, moyennant la tapisserie, tu n’as pas l’air d’être seule, et qu’avec la porte ce sera bien différent.

— Est-ce que tu crois que ces gens-là font attention à moi, à la distance où ils sont de la tribune ? Je dis plus : crois-tu que je sois quelqu’un pour eux ?

— Joséphine, dit Yseult en riant et en rougissant à la fois, vous êtes une hypocrite. Pourquoi avez-vous fait un cri lorsque vous avez trouvé Pierre Huguenin ici, causant avec moi, il y a huit jours ?

— Je ne sais pas non plus, moi ! vraiment je n’en sais rien, Yseult ; c’était une sottise de ma part.

— Et c’en était peut-être une de la mienne de trouver