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selle de Villepreux ; et, reprenant son marteau, il acheva de replacer la porte avec une rapidité extrême. Puis, s’éloignant sans saluer, sans tourner les yeux vers les deux dames, il quitta l’atelier plein de haine pour son idole, et plein de mépris pour lui-même aussi, qui s’était laissé bercer par de folles imaginations.

CHAPITRE XIX.

Quand les jeunes dames se trouvèrent tête à tête, il y eut entre elles une conversation assez singulière.

— Vous avez dit une parole bien dure pour ce pauvre jeune homme, dit la marquise en voyant Pierre Huguenin s’éloigner.

— Il ne l’a pas entendue, répondit Yseult, et d’ailleurs il n’aurait pas pu la comprendre.

Yseult sentait qu’elle se mentait à elle-même. Elle avait fort bien remarqué l’indignation de l’artisan, et comme, malgré les préjugés que l’usage du monde avait pu lui donner, elle était foncièrement bonne et juste, elle éprouvait un repentir profond et une sorte d’angoisse. Mais elle avait trop de fierté pour en convenir.

— Vous direz ce que vous voudrez, reprit Joséphine, ce garçon a été blessé au cœur, cela était facile à voir.

— Il aurait tort de croire que j’ai songé à l’humilier, répondit Yseult, qui cherchait à s’excuser à ses propres yeux. Vous m’eussiez trouvée tête à tête, n’importe avec quel homme autre que mon père ou mon frère, j’aurais pu vous faire la même réponse.

— Oui-da ! repartit la marquise. Vous ne l’auriez pas faite, cousine ! c’eût été mettre au défi tout autre qu’un pauvre diable d’artisan ; et comme vous savez que, du côté