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s’adresser à lui. Il avait cru que si jamais pareille chose pouvait arriver, ce serait sous l’influence de circonstances bizarres et romanesques. Ce qui est tout naturel ne contente guère une imagination échauffée. Il s’inclina sans pouvoir dire un mot.

— Ce serait, reprit Yseult, de replacer la porte de mon cabinet, que M. Lerebours vous a redemandée déjà bien des fois, et qui est égarée, à ce qu’il prétend. Vous me feriez un grand plaisir de la faire chercher, et de la remettre en place, dans quelque état qu’elle se trouve.

— À propos, c’est vrai ! dit le comte. Elle aime son cabinet, et ne peut plus s’y tenir.

— Cela sera fait demain, répondit Pierre.

Et il se retira tout accablé, tout effrayé de la tristesse qui revenait s’emparer de lui.

— Je suis un fou, se dit-il en reprenant le chemin de sa maison. Cette porte sera replacée demain : il le faut ; il faudra qu’elle soit fermée pour toujours entre elle et moi.

CHAPITRE XVIII.

Lorsque Pierre, qui, chez lui comme en voyage, partageait son lit avec Amaury, à la manière des anciens frères d’armes, raconta à son ami la proposition que le comte lui avait faite, un vif sentiment d’espérance et de joie s’empara du jeune artiste. Il avait toujours senti l’adresse délicate de ses mains et le goût exquis de ses pensées le porter vers la sculpture ; mais ayant commencé l’état de menuisier et s’étant affilié à un compagnonnage de cette profession, il avait craint de se retarder dans sa carrière en embrassant une voie nouvelle. Les encouragements lui avaient manqué. Pierre était le seul qui lui eût conseillé d’aller prendre à Paris les notions de son art de prédilection. Mais à cette époque-là, le Corinthien était