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vous me promettre de ne pas vous laisser interrompre par des travaux étrangers à ceux de ma maison ?

— Je le puis, monsieur le comte. Mais un scrupule me retient. Oserai-je vous demander si vous aviez jeté les yeux sur quelque sculpteur pour lui confier cet ouvrage ?

— Sur aucun. Je comptais demander à mon architecte de Paris de m’envoyer ceux qu’il y jugerait propres. Mais puis-je vous demander, à mon tour, pourquoi vous me faites cette question ?

— Parce qu’il est contraire à l’esprit de notre corps, et, je pense, à la délicatesse en général, de nous charger d’une besogne qui n’est pas dans nos attributions ordinaires, lorsque nous nous nous trouvons en concurrence avec ceux qu’elle concerne exclusivement. Ce serait empiéter sur les droits d’autrui, et priver des ouvriers d’un profit qui leur revient naturellement plus qu’à nous.

— Ce scrupule est honnête, et ne m’étonne pas de votre part, répondit le comte. Mais vous pouvez être tranquille ; je ne m’étais adressé à personne, et d’ailleurs ma volonté à cet égard doit s’exercer librement. Le déplacement d’ouvriers étrangers à la province augmenterait de beaucoup ma dépense. Prenez cette raison pour vous, s’il vous en faut une. Pour moi, j’en ai une autre ; c’est le plaisir de vous confier un travail qui doit vous plaire, et dont vous sentez si bien la beauté.

— Je ne commencerai cependant pas, répondit Pierre, sans vous avoir soumis un échantillon de notre savoir-faire, afin que vous puissiez changer d’avis si nous ne réussissons pas bien.

— Pourriez-vous me l’apporter dans quelques jours ?

— Je pense que oui, monsieur le comte,

— Et moi, dit mademoiselle de Villepreux, puis-je vous faire une prière, monsieur Pierre ?

Pierre tressaillit sur sa chaise en entendant cette voix