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à la fois, lui serrèrent le cœur, sans qu’il sût comment, et sans que je puisse bien vous dire pourquoi.

Lorsqu’il entra, Yseult se leva. Fut-ce pour le saluer ou pour lui faire place ? Pierre se découvrit sans oser la voir.

— Veuillez vous asseoir, monsieur, dit le comte en lui montrant un siége.

Pierre se troubla, et prit un siége qui était embarrassé de livres et de papiers. Yseult vint à son secours en lui en plaçant un autre auprès de la table, et elle s’éloigna un peu. Il ne sut pas où elle s’asseyait, tant il craignait de rencontrer son regard.

— Je vous demande pardon si je vous ai fait venir, dit le comte ; mais je suis trop vieux et trop goutteux pour me déplacer. J’ai vu ce matin que la réparation des boiseries allait fort vite, et je voudrais savoir de vous si vous croyez pouvoir vous charger d’y mettre les ornements de sculpture.

— Ce n’est pas ma partie, répondit Pierre ; mais avec l’aide de mon compagnon, à qui j’ai vu exécuter des ornements très-délicats et très-difficiles, je crois pouvoir copier fidèlement ceux dont il est question.

— Ainsi vous voudrez bien vous en charger ? dit le comte. Mon intention était d’abord de faire venir des sculpteurs en bois ; mais d’après ce que vous m’avez dit ce matin, et sur ce que j’ai vu de votre travail, l’idée m’est venue de vous confier aussi la sculpture. C’est pourquoi j’ai voulu vous voir seul, afin de ne pas blesser votre compagnon au cas où, dans votre conscience, vous jugeriez cet ouvrage au-dessus de ses forces.

— Je crois que vous serez content de lui, monsieur le comte. Mais je dois vous dire d’avance que ce travail prendra beaucoup de temps ; car aucun de nos apprentis ne pourrait nous y aider.

— Eh bien, vous prendrez le temps nécessaire. Pouvez--