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N’est-il pas vrai que c’était un petit homme très-sec, très-jaune, très-actif, au premier abord sombre et taciturne, mais qui devenait peu à peu communicatif jusqu’à l’excès ? C’est qu’avec les gens étrangers au pays il était obsédé d’une seule pensée, qui était celle-ci : Voilà pourtant des gens qui ne savent pas qui je suis ! — Puis venait cette seconde réflexion, non moins pénible que la première : Il y a donc des gens capables d’ignorer qui je suis ! — Et quand ces gens-là ne lui paraissaient pas tout à fait indignes de l’apprécier, il ajoutait pour se résumer : Il faut pourtant que ces braves gens apprennent de moi qui je suis.

Alors il les tâtait sur le chapitre de l’agriculture, ne se faisant pas faute, au besoin, de captiver leur attention par quelque énorme paradoxe ; car il était membre correspondant de la société d’agriculture de son chef-lieu, et il n’en était pas plus fier pour cela. S’il réussissait à se faire questionner, il ne manquait pas de dire : J’ai fait cet essai dans nos terres. Et si on l’interrogeait sur la qualité de ces terres, il répondait : Elles ont toutes les qualités. Il y a quatre lieues carrées d’étendue ; nous avons donc du sec, du mouillé, de l’humide, du gras, du maigre, etc.

En Sologne on n’est pas bien riche avec quatre lieues de terrain, et la terre de Villepreux ne rapportait guère que trente mille livres de rente ; mais la famille de Villepreux en possédait deux autres d’un moindre revenu, qui étaient affermées, et que M. Lerebours allait visiter une fois par an. Il avait donc une triple occupation, une triple importance, une triple capacité, et d’éternels sujets de discours et de démonstrations agricoles.

Quand il avait fait son premier effet, comme il ne demandait pas mieux que d’être modeste, et que l’aveu d’une haute position coûte toujours un peu, il hésitait quelques instants, puis il hasardait le nom de Villepreux ; et si l’au-