Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guenin, lui dit-il, pour n’être pas venu me voir depuis huit jours que vous êtes dans ce pays-ci, et pour ne m’avoir pas confié la défense de vos compagnons inculpés dans cette dernière affaire. Vous avez oublié apparemment que nous étions amis, il y a deux ans.

Cet accueil empressé et ce mot d’amis étonna un peu l’oreille de Pierre Huguenin. Il se souvenait bien d’avoir travaillé pour le jeune avocat, et de l’avoir trouvé affable et bienveillant ; mais il ne se souvenait pas d’avoir été traité par lui sur ce pied d’égalité. Il ne répondit donc pas à ses avances avec tout l’abandon qu’elles semblaient provoquer. Malgré lui, il tournait ses regards avec froideur vers l’étranger, qui s’était levé à son approche, en lui tendant une main qu’il avait hésité à serrer. — J’espère que vous ne vous méfiez plus de moi, lui dit ce dernier en souriant. Vous avez dû prendre sur mon compte des informations satisfaisantes, et vous me trouvez dans une société qui doit vous rassurer complétement. Asseyez-vous donc avec nous, et partagez ces rafraîchissements. J’espère, en ma qualité de commis-voyageur, en procurer à notre cher hôte qui lui feront faire plus de profits que par le passé.

Le Vaudois répondit à cette promesse par un sourire malin en clignant de l’œil ; et le Berrichon, qui avait l’habitude sympathique de sourire toutes les fois qu’il voyait sourire, se mit a copier, du mieux qu’il put, le sourire et le clignotement du Vaudois. Il fit cette grimace bénévole au moment où l’étranger interrogeait du regard cette figure inconnue, et peu belle, il faut l’avouer, quoique douce et pleine de candeur. Le prétendu commis voyageur crut donc, à cet air d’intelligence, que le Berrichon était préparé aux ouvertures qu’on voudrait lui faire, et lui tendit la main avec la même popularité qu’il avait témoignée à Pierre Huguenin. Le Berrichon serra de toute sa force, et