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CHAPITRE XV.

Le récit de ce qui s’était passé entre la Savinienne et Pierre donna du courage au Corinthien, et hâta sa guérison. Il fixa au jour suivant son départ pour Villepreux, résolu de mériter son bonheur par une année au moins de courage et de résignation. Pierre, sans cesser de s’occuper activement de ses chers prisonniers, dut songer à se procurer un second compagnon pour escorter le Corinthien dans sa route et l’aider à son ouvrage. Il n’était pas absolument nécessaire que ce second associé aux travaux du château de Villepreux fût un artiste distingué ; le talent d’Amaury pouvait compter pour deux. Il ne fallait qu’un ouvrier adroit et diligent pour scier, tailler et débillarder. Le Dignitaire lui présenta un brave enfant du Berry, qui n’était pas beau, quoiqu’on l’appelât, par antithèse sans doute, la Clef-des-cœurs. C’était un bon garçon et un rude abatteur d’ouvrage, au dire de tous les compagnons. Cet utile Berrichon, trouvé, embauché et mis au courant du travail qu’on lui confiait, fit son paquet, ce qui ne fut pas long, car il n’avait pas beaucoup de hardes ; et le rouleur ayant levé son acquit, c’est-à-dire ayant constaté, chez le maître qu’il quittait et chez la Mère, qu’il ne devait rien et qu’il ne lui était rien dû, il se tint prêt à partir. Pierre fit encore, dans cette journée, pour ses compagnons plusieurs démarches qui ne furent pas sans succès ; et, l’horizon commençant à s’éclaircir de ce côté-là, il se mit en route pour le Berceau de la Sagesse, accompagné de son Berrichon, et le cœur un peu moins accablé qu’il ne l’avait eu les jours précédents. Chemin faisant, il prévint la Clef-des-cœurs de l’aversion que son père avait pour le compagnonnage, et tâcha de lui faire comprendre la conduite qu’il devait tenir avec maître