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donne aux caprices et aux préjugés d’hommes ignorants et emportés ? Nous leur devons assistance quand ils sont dans le malheur ou le danger ; car ils sont nos frères. Mais quand ils sont enivrés d’orgueil ou de vengeance, leur devons-nous une aveugle soumission ? Non ! Quant à moi, ce rêve s’efface, et tout à l’heure, en les voyant se tourner contre toi, je les trouvais si coupables que les liens de l’affection jurée se brisaient malgré moi dans mon cœur. Viens, rentrons dans l’assemblée. Je vais leur demander de me laisser partir, leur dire de ne pas compter sur moi pour le concours ; et, s’ils me refusent, je remercie la société, je reprends ma liberté…

— Tu n’en as pas le droit devant Dieu. Égarés ou coupables, ils sont nos frères. Leur situation est pénible et périlleuse. Nous ne sommes pas en nombre ici, et nos ennemis sont les plus forts, les plus excités. S’ils persistent à vouloir nous expulser de Blois par la violence, il vaudra certainement mieux en venir à l’épreuve du concours qu’à celle des coups. Prenons donc patience. Je saurai me résigner encore. S’il faut que d’une manière ou de l’autre mon honneur soit compromis, je sacrifierai mes intérêts à ceux d’autrui ; et si mon père me condamne, ma conscience m’absoudra.

CHAPITRE XIII.

La séance terminée, les Gavots se mirent à table. Le concours était voté, et le Corinthien était du nombre des concurrents élus. Cette nouvelle lui causa une émotion où la joie eut plus de part que le regret, il faut bien l’avouer. Quoique sincère dans son dévouement pour Pierre Huguenin, et dans ses vertueuses résolutions à l’égard de la Savinienne, son jeune cœur tressaillait, malgré lui, à