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avec calme ; il supporta avec la résignation d’un martyr et la fermeté d’un stoïque les accusations, les reproches et les menaces. Il disait d’excellentes choses, variant ses arguments et appropriant les formes de son langage à la portée d’esprit de ses divers interlocuteurs. Mais il voyait avec douleur que le petit nombre de ses adhérents diminuait de plus en plus, et il s’attendait à des outrages publics ; car la séance était livrée à la confusion, et la vérité n’avait plus de pouvoir sur ces âmes endurcies ou exaltées. Enfin le Dignitaire, après bien des efforts inutiles, obtint le silence, et prit la défense des intentions de Pierre Huguenin.

— Je le connais trop, dit-il, pour douter de lui ; et si un soupçon contre son honneur pouvait entrer dans ma pensée, je crois qu’un instant après je lui en demanderais pardon à genoux. Il n’y aura donc ici de réprimandes que contre ceux qui se permettraient de l’insulter. Sur tous les points il a parlé suivant sa conscience, et sur plusieurs points mes sentiments sont d’accord avec les siens. Cependant je crois que ses idées ne sont pas applicables pour le moment ; c’est pourquoi je propose de passer outre : mais je demande, une fois pour toutes, qu’on respecte la liberté des opinions, et qu’on les combatte sans aigreur et sans brutalité. Consolez-vous, pays Villepreux, de la contradiction un peu violente que vous avez rencontrée ici. Si vous vous êtes trompé en quelque chose, vous n’en avez pas moins dit certaines vérités qui resteront gravées dans plus d’un cœur ami, et dans le mien particulièrement. Soyez sûr qu’il en restera aussi quelques-unes, même dans l’esprit des plus exaltés. Peut-être les idées de paix et d’union générale que vous avez osé proclamer seront-elles mieux écoutées dans des jours plus heureux. Je trouve, moi, que vous avez bien parlé, et que votre cœur n’a pas été corrompu par la science