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ou au génie du bien, suivant l’aspect qu’il a plu aux écrivains de considérer.

Tel est le mal inhérent aux sociétés secrètes. Mais que les sociétés patentes et officielles cessent pourtant d’accuser amèrement leurs rivales de tous les malheurs qui leur arrivent : les sociétés secrètes sont le résultat nécessaire de l’imperfection de la société générale.

Depuis l’antique régime des castes jusqu’à notre siècle, où tout tend à l’abolition définitive de ce régime, les hommes ont constamment essayé de constituer la vraie cité. Mais la cité est toujours devenue caste, sous quelque forme qu’elle se manifestât dans le monde. Qui dit cité dit association, et qui dit association dit égalité ; car il n’y a pas d’autre principe qui puisse réunir deux hommes, que le principe de réciprocité ou d’égalité. Mais la cité, toujours créée en vue et au moyen du principe d’égalité, est toujours devenue oppressive et destructive de l’égalité. Ce fut une loi de nature, une condition d’existence pour toutes les associations du passé, que cet esprit de castes. Qu’importent les noms, qu’importe que la cité se soit appelée république, aristocratie, monarchie, Église, monachisme, bourgeoisie, corporation, suivant les lieux et les temps ! Tant que la société officielle ne sera pas construite en vue de l’égalité humaine, la société officielle sera caste ; et tant que la société officielle sera caste, la société officielle engendrera des sociétés secrètes. C’est à l’avenir de réaliser l’œuvre qui a germé si longtemps dans l’humanité et qui fermente si énergiquement aujourd’hui dans son sein ; car c’est à l’avenir de résumer dans une seule foi, dans une seule unité, diversifiée seulement dans sa forme multiple, toutes les notions éparses, toutes les manifestations incomplètes de l’éternelle vérité.

À côté du grand courant suivi par les principales idées religieuses et sociales, d’obscurs et minces ruisseaux se