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les honneurs rendus aux morts, la célébration des fêtes patronales, et beaucoup d’autres coutumes, sont à peu près les mérites dans tout le compagnonnage. Ce qui diffère, ce sont les formes extérieures, les formules, les titres, les insignes, les couleurs, les chansons, etc.

La majeure partie des ouvriers de la province est enrôlée dans le compagnonnage. Une faible partie en ignore l’importance, et ne songe point à en percer les mystères. Dans les campagnes arriérées du centre, où le métier est presque toujours héréditaire, le fils ou le neveu est naturellement l’apprenti du maître. Dans ces existences fixées d’avance et peu soucieuses de perfectionner l’art, le compagnonnage est inutile et le tour de France inusité.

Certains corps de métiers ont eu des Devoirs qui se sont perdus ; c’est-à-dire que leurs statuts, n’étant plus nécessaires à leur organisation et à leur sécurité, sont tombés en désuétude[1]. Des sentiments, des liens politiques, suffisent à ces compagnies plus éclairées peut-être, mais peut-être aussi moins unies. À Paris, le compagnonnage tend chaque jour de plus en plus à se perdre et à se disperser, dans le vaste champ des travaux et des intérêts divers. Aucune société n’y pourrait monopoliser le travail. D’ailleurs, l’esprit sceptique d’une civilisation plus avancée a fait justice des gothiques coutumes du compagnonnage, trop tôt peut-être ; car une association fraternelle étendue à tous les ouvriers n’était pas encore prête à remplacer les associations partielles. Cependant les haines de parti ne s’y effacent pas toujours. Les charpentiers compagnons de liberté y habitent la rive gauche de la Seine ; leurs adversaires, les charpentiers compa-

  1. Il est arrivé que les usages de certaines sociétés remontaient trop haut dans le moyen âge pour être observés désormais. Les nouveaux adeptes ont reculé devant la barbarie des pratiques que les vieux sectaires voulaient en vain conserver.