Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qui êtes-vous ? répondit le masque, d’une voix pleine et sonore comme celle d’un homme, mais douce comme celle d’un rossignol.

— Je suis un amant de la beauté.

— Êtes-vous de ceux dont l’amour brutal violente la beauté libre, ou de ceux qui s’agenouillent devant la beauté captive, et pleurent de ses larmes ?

— Quand le roi des nuits voit la rose fleurir joyeusement sous l’haleine de la brise, il bat des ailes et chante ; quand il la voit se flétrir sous le souffle brûlant de l’orage, il cache sa tête sous son aile et gémit. Ainsi fait mon âme.

— Suis-moi donc, car tu es un de mes fidèles. »

Et, saisissant la main du jeune homme, elle l’entraîna vers l’église. Quand celui-ci sentit cette main froide de l’inconnue serrer la sienne, et la vit se diriger avec lui vers le sombre enfoncement du portail, il se rappela involontairement les sinistres histoires qu’il avait entendu raconter, et, tout à coup saisi d’une terreur panique, il s’arrêta. Le masque se retourna, et, fixant sur le visage pâlissant de son compagnon un regard scrutateur, il lui dit :

« Vous avez peur ? Adieu. »

Puis, lui lâchant le bras, elle s’éloigna à grands pas. Franz eut honte de sa faiblesse, et, se précipitant vers elle, lui saisit la main à son tour et lui dit :

« Non, je n’ai pas peur. Allons. »

Sans rien répondre, elle continua sa marche. Mais, au lieu de se diriger vers l’église, comme la première fois, elle s’enfonça dans une des petites rues qui donnent sur la place. La lune s’était cachée, et l’obscurité la plus complète régnait dans la ville. Franz voyait à peine où il posait le pied, et ne pouvait rien distinguer dans les ombres profondes qui l’enveloppaient de toutes parts. Il sui-