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DE M. ANTOINE.

cette fois, n’être pas refusé, et je n’aurai le courage de vous lire ce griffonnage, qu’autant que vous m’aurez promis de ne pas vous fâcher. Vous m’avez posé aussi vos conditions, vous, dans une lettre que j’ai là et qui m’a fait beaucoup de peine. Cependant je les trouve justes, et je comprends que vous ne vouliez point accepter le moindre petit présent d’un homme que vous considérez comme l’ennemi de votre père. Il faudra donc, pour vous fléchir, que cette inimitié cesse, et que monsieur votre père me pardonne les torts que je puis avoir eus envers lui. Monsieur de Châteaubrun, dit-il en se levant avec une résolution héroïque, vous m’avez offensé autrefois ; je vous l’ai rendu en vous retirant mon amitié sans explication. Il fallait nous battre ou nous pardonner mutuellement. Nous ne nous sommes pas battus, mais nous avons été pendant vingt ans étrangers l’un à l’autre, ce qui est plus sérieux pour deux hommes qui se sont beaucoup aimés. Je vous pardonne aujourd’hui vos torts, voulez-vous me pardonner les miens ?

— Oh ! marquis, s’écria M. Antoine en s’élançant vers lui et en fléchissant un genou, vous n’avez jamais eu aucun tort envers moi, vous avez été mon meilleur ami, vous m’avez tenu lieu de père, et je vous ai mortellement offensé. Je vous aurais offert ma poitrine nue si vous aviez voulu la percer d’un coup d’épée, et je n’aurais jamais levé la main contre vous. Vous n’avez pas voulu prendre ma vie, vous m’avez puni bien davantage en me retirant votre amitié. À présent, vous m’accordez votre pardon ; c’est à genoux que je le reçois, en présence de mes amis, et de mes ennemis, puisque cette humiliation est la seule réparation que je puisse vous offrir.

« Et vous, monsieur Cardonnet, dit-il en se relevant et en toisant l’industriel de la tête aux pieds, libre à vous de vous moquer de choses que vous ne pouvez pas com-