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DE M. ANTOINE.

suis donc forcé de vous dire qu’il a renoncé ce matin, sans retour, à la main de mademoiselle, et j’ai cru de mon devoir de vous en avertir immédiatement, afin que, connaissant bien ses intentions et les miennes, vous n’eussiez point à m’accuser d’irrésolution et d’imprudence. S’il vous convient maintenant d’autoriser ses sentiments et de souffrir ses assiduités, c’est à vous de le savoir, et à moi de m’en laver les mains.

— Monsieur Cardonnet ! répondit M. Antoine en se levant, je sais tout cela, et je sais aussi que vous ne manquerez jamais de belles phrases pour vous moquer de nous : mais je dis, moi, que si vous êtes si bien informé, c’est parce que vous avez envoyé des espions dans notre maison, et des laquais pour nous insulter par des prétentions révoltantes à la main de ma fille. Vous nous avez déjà beaucoup fait souffrir avec votre diplomatie, et nous vous prions, sans cérémonie, d’en rester là. Nous ne sommes pas assez simples pour ne pas comprendre que vous ne voulez, à aucune condition, allier votre richesse à notre pauvreté. Nous n’avons pas été dupes de vos détours, et lorsque, par une singulière invention d’esprit, vous avez placé votre fils entre une soumission morale, qui est impossible en fait d’opinions, et un mariage auquel vous n’auriez pas consenti davantage s’il eût voulu descendre à un mensonge, nous avons juré, nous, que nous éloignerions de lui, de vous et de nous, tout mensonge et toute dissimulation. C’est donc pour vous dire que nous savons fort bien ce qu’il nous convient de faire ; que je m’entends à préserver l’honneur et la dignité de ma fille, tout aussi bien que vous la richesse de votre fils, et que je n’ai, à cet égard, de conseils à prendre et de leçons à recevoir de personne. »

Ayant ainsi parlé avec une fermeté à laquelle M. Cardonnet était loin de s’attendre de la part du vieux ivrogne