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LE PÉCHÉ

que le charpentier allait la rejoindre et la délivrer de cette importune escorte.

Mais n’entendant venir personne, et ne pouvant supporter d’être plus longtemps suivie, elle se baissa comme pour regarder dans son panier afin de faire croire qu’elle avait oublié ou perdu quelque chose, et se retournant ensuite, elle reprit la direction du parc, pensant que Galuchet, n’ayant aucun prétexte pour la suivre de ce côté, n’en aurait pas l’audace.

Il était trop tard : Constant l’avait reconnue et un sentiment de basse vengeance le transportait.

« Ohé, la belle villageoise ! lui dit-il en s’élançant auprès d’elle, que cherchez-vous avec tant de mystère ? Ne pourrait-on vous aider à le trouver ?… Vous ne répondez pas ! Je comprends : vous avez par ici un joli petit rendez-vous, et je vous dérange ! Mais tant pis pour les jeunes filles qui courent seules le soir ! elles sont exposées à rencontrer un galant pour un autre, et les absents ont tort. Allons, n’y regardez pas de si près ; à la nuit tous chats sont gris, et prenez mon bras. Si nous ne trouvons pas celui qu’il vous faut, on tâchera de le remplacer sans trop de désavantage ! »

Gilberte, effrayée de ces propos grossiers, se mit à courir. Plus adroite et plus mince que Galuchet, elle s’enfonça dans les arbres, passa dans le plus serré, et se crut bientôt hors de portée ; mais une sorte de rage s’était emparée de lui, en la voyant s’échapper avec tant d’agilité. En trois bonds, et après s’être un peu heurté et déchiré aux branches, il se trouva de nouveau près d’elle, en face de la grille du parc de Boisguilbault.

Alors saisissant sa mante : « Je veux voir, dit-il en jurant, si vous valez la peine de vous faire poursuivre de la sorte ! Si vous êtes laide, vous n’avez pas besoin de courir, ma mie, et je ne m’échaufferai point pour vous ;