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DE M. ANTOINE.

valescence. Gilberte ne s’arrêta pas longtemps auprès d’eux. La Marlot lui raconta comme quoi M. de Boisguilbault lui avait laissé cent francs le jour de leur rencontre dans sa chaumière, et lui apprit que Jean Jappeloup travaillait dans le parc, à la maison de bois. Elle l’avait vu passer de loin, le matin, chargé de divers outils.

Gilberte pensa que, dès lors, elle pouvait espérer de rencontrer le charpentier lorsqu’il s’en retournerait à Gargilesse, et elle résolut d’aller l’attendre sur le chemin qu’il devait prendre aussitôt après le coucher du soleil. Mais, craignant d’être aperçue et reconnue aux abords du parc, elle emprunta, sous prétexte de la fraîcheur du soir et d’un peu de malaise, une mante de bure à la mère Marlot. Elle rabattit le capuchon sur ses blonds cheveux, et, ainsi enveloppée, elle marcha en droite ligne et se glissa comme une biche à travers les buissons, jusque vers la grille du parc qui donnait sur le chemin de Gargilesse. Là, elle s’enfonça dans les saules de la petite rivière, non loin de l’endroit où elle côtoyait la lisière du parc, et elle remarqua que la grille était encore ouverte, preuve que M. de Boisguilbault n’était pas dans son enclos ; car aussitôt qu’il y avait mis le pied, on fermait avec soin toutes les issues, et cette habitude sauvage du châtelain était bien connue dans le pays.

Cette observation l’enhardit, et elle avança jusqu’au seuil de la grille pour essayer d’apercevoir Jean Jappeloup. Le toit du chalet frappa ses regards ; il était bien peu éloigné. L’allée était sombre et déserte.

En avançant avec précaution, Gilberte, qui était légère comme un oiseau, pouvait fuir à temps, et, déguisée comme elle l’était, ne pas se laisser reconnaître. Jean serait là sans doute, et, si elle le trouvait seul, elle lui ferait signe et satisferait sa mortelle impatience d’avoir des nouvelles d’Émile.