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LE PÉCHÉ

M. de Châteaubrun en proie à une émotion terrible.

— Taisez-vous donc, monsieur, lui dit Janille en lui poussant le coude ; vous connaissez les diamants et les cachemires ; c’est possible ; vous avez été assez riche pour en avoir beaucoup vu autrefois. Est-ce une raison pour parler si haut et nous empêcher de les regarder ? Diantre ! ma fille, tu n’as pas perdu ton temps ! Il y a peut-être là de quoi faire rebâtir notre château, et M. de Boisguilbault n’est point si ladre que je croyais. »

Gilberte, qui avait vu fort peu de diamants en sa vie, persistait à croire que ce collier était en cristal de roche taillé ; mais M. de Châteaubrun, en ayant examiné le fermoir et les pierres, le remit dans l’écrin en disant avec une mélancolie distraite : « Il y a là pour plus de cent mille francs de diamants. M. de Boisguilbault te donne une dot, ma fille !

— Cent mille francs ! s’écria Janille, cent mille francs ! Pensez-vous à ce que vous dites, monsieur ? est-ce possible ?

— Ces petits grains reluisants valent tant d’argent ! dit Jappeloup avec un étonnement naïf dépourvu de convoitise ; et ça se garde comme ça dans une petite boîte, sans servir à rien ?

— Cela se porte, dit Janille en passant le collier autour du cou de Gilberte, et j’espère que ça rend belle ! Mets donc ce châle sur tes épaules, ma fille ! Pas comme ça ! J’ai vu à Paris des dames qui en portaient ; mais du diantre si je peux me souvenir comment c’était arrangé.

— C’est fort beau, mais fort incommode, dit Gilberte, et il me semble que je suis déguisée avec ce cachemire et ces bijoux. Allons, replions et serrons tout cela pour le renvoyer à M. de Boisguilbault. Il se sera trompé, il aura cherché à tâtons. Il a cru me donner des bagatelles,