Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
DE M. ANTOINE.

me souviendrais alors que j’ai coupé ce soir votre canne en deux !

— Vous déraisonnez, Jean, répondit froidement M. de Boisguilbault. Mademoiselle, dit-il à Gilberte, voulez-vous me permettre de vous donner le bras pour retourner à votre voiture ? »

Gilberte accepta en tremblant ; mais elle sentit que le bras du marquis tremblait bien davantage. Il l’aida silencieusement à monter en voiture ; puis, remarquant qu’il faisait encore grand froid, quoique le ciel fût redevenu serein : « Vous sortez d’un endroit très chaud, lui dit-il, et vous n’êtes pas assez couverte ; je vais vous aller chercher un vêtement. »

Gilberte le remercia en lui montrant qu’elle avait le manteau de son père.

« Mais il est humide, et c’est pire que rien », reprit le marquis.

Et il retourna vers le chalet.

— Au diable le vieux fou ! dit Jean en fouettant la jument avec humeur ; j’ai assez de lui. Je suis en colère contre lui ; je n’ai réussi à rien, et il me tarde d’être sorti de sa tanière. Je n’y remettrai jamais les pieds ; les regards de cet homme-là m’enrhument. Allons-nous-en, ne l’attendons pas !

— Au contraire, il faut l’attendre, et ne pas le forcer à courir après nous, dit Gilberte.

— Bah ! est-ce que vous croyez qu’il se soucie beaucoup de vous laisser enrhumer ? Et d’ailleurs, il n’y pense plus : voyez s’il reviendra ! Allons-nous-en ! »

Mais quand ils furent devant la grille, ils s’aperçurent qu’elle était fermée, que M. de Boisguilbault en avait gardé la clef, et qu’il fallait bien l’attendre ou retourner la lui demander. Jean jurait tout haut après lui, lorsque le marquis parut tout à coup, portant un paquet qu’il posa sur les genoux de Gilberte en lui disant : « Je vous ai fait