Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
LE PÉCHÉ

trefois ! mais j’y ai renoncé parce que mon père me l’a ordonné, jugeant que je ne ferais qu’augmenter votre colère ; et j’y renonce plus que jamais, ce soir, en voyant votre froideur et l’aversion que mon nom vous inspire. Je me retire donc sans vous implorer pour lui, et pénétrée d’une certitude bien douloureuse : c’est que mon père est victime d’une grande injustice de votre part ! mais je mettrai tous mes soins à l’en distraire et à l’en consoler. Et quant à vous, monsieur le marquis, je vous laisse de quoi me punir de la ruse innocente à laquelle je me suis prêtée ce soir, pour préserver la santé et peut-être la vie de celui que mon père a tant aimé ! Je vous laisse mon secret, qui vous a été révélé bien malgré moi, mais que je ne rougis plus de savoir entre vos mains : car c’est le secret d’une âme fière et d’un amour que Dieu a béni en me l’inspirant. Ne craignez plus de me revoir, monsieur le marquis, ne craignez plus que Jean, cet ami imprudent, mais généreux, qui s’est exposé à vos ressentiments pour nous réconcilier avec vous, vous importune jamais de notre souvenir. Je saurai l’y faire renoncer. J’ai été honorée ce soir de votre hospitalité, monsieur le marquis, et vous me permettrez de ne l’oublier jamais. Vous n’aurez point à vous en repentir ; car vous n’aurez pas été la dupe d’un mensonge, et, si c’est un soulagement à votre aversion, vous êtes encore à même de chasser outrageusement de votre présence la fille d’Antoine de Châteaubrun.

— Je voudrais bien voir ça ! s’écria Jean Jappeloup en se plaçant auprès d’elle, et en prenant son bras sous le sien ; moi qui ai eu tout le tort et qui ai fait, malgré elle, tous les mensonges, moi qui avais mis dans ma tête qu’elle mettrait la main de son père dans la vôtre… Vous êtes entêté, monsieur de Boisguilbault ; mais, par tous les diables ! vous ne ferez pas d’affront à ma Gilberte, car je