Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
DE M. ANTOINE.

enfin, avec cette famille ; et si, pour obtenir que mon repos, à cet égard, continue à être respecté, je dois démentir ce que ma vivacité peut avoir eu d’irréfléchi, je suis prêt à protester contre tout ce qui pourrait porter atteinte, dans ma pensée, à la réputation et au caractère de mademoiselle de Châteaubrun. »

Le marquis parla ainsi avec une froideur mesurée qui lui rendit toute la convenance et la dignité de son rôle habituel. Gilberte eût préféré un retour de colère qui lui eût fait espérer une réaction de faiblesse et d’attendrissement. Elle ne se sentit plus le courage d’insister, et, comprenant, aux manières tout à coup glacées du marquis, qu’elle était à demi devinée, et qu’une invincible méfiance venait de naître en lui, elle se sentit si mal à l’aise, qu’elle eût voulu partir sur l’heure ; mais Jean n’était nullement satisfait de l’issue de cette explication, et il résolut de frapper le dernier coup.

« Allons, dit-il, c’est comme M. de Boisguilbault voudra. Il est bon et juste au fond du cœur, madame Rose ; ne lui faisons donc plus de peine, et partons ! mais auparavant, je voudrais qu’il y eût une autre sorte d’explication entre vous deux… Allons, un peu d’épanchement ! Vous allez rougir, me gronder, pleurer peut-être… Mais moi, je sais ce que je fais, je sais que voici une occasion qui ne se retrouvera peut-être jamais, et qu’il faut savoir subir un peu d’embarras pour assister et consoler ceux qu’on aime… Vous me regardez d’un air tout étonné ! vous ne savez donc pas que M. de Boisguilbault est le meilleur ami de notre Émile, qu’il a toute sa confiance, et que, sans savoir qu’il s’agissait de vous, il connaît fort bien toutes ses peines et toutes les vôtres ? Oui, monsieur de Boisguilbault, voilà madame Rose… c’est elle ! vous me comprenez bien, vous ? Ainsi donc, parlez-lui, donnez-lui du courage ; dites-lui qu’Émile a bien fait, et