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persuasion, je vous ramène Jean de bon gré et avant qu’il soit deux jours, pardonnez-moi, et avouez que les mauvaises têtes ont parfois d’heureuses inspirations.

— Émile, dit M. Cardonnet après s’être promené en silence pendant quelques instants, j’aurais de graves reproches à vous faire pour être entré en révolte ouverte, je ne dis pas contre la loi municipale à propos de laquelle je ne ferai point le pédant ; mais contre ma volonté. Il y a là de votre part un immense orgueil et un manque de respect très grave envers l’autorité paternelle. Je ne suis pas disposé à tolérer souvent de pareils coups de tête, vous devez me connaître assez pour le savoir, ou vous m’avez étrangement oublié depuis que nous sommes éloignés l’un de l’autre ; mais je vous épargnerai, pour aujourd’hui, les longues remontrances, vous ne me paraissez pas disposé à en profiter. D’ailleurs, ce que je vois de votre conduite et ce que je sais de la situation de votre esprit me prouvent que nous avons besoin de mettre de l’ordre dans une discussion sérieuse sur le fond même de vos idées et de la nature de vos projets pour l’avenir. Le désastre qui m’a frappé aujourd’hui ne me laisse pas le temps de causer avec vous davantage ce soir. Vous avez eu des émotions dans le cours de cette journée, et vous devez avoir besoin de repos : allez voir votre mère, et couchez-vous de bonne heure. Dès que l’ordre et le calme seront rétablis dans mon établissement, je vous dirai pourquoi je vous ai rappelé de ce que vous appeliez votre exil, et ce que j’attends de vous désormais.

— Et jusqu’au moment de cette explication, que je désire vivement, répondit Émile, car ce sera la première fois de ma vie que vous ne m’aurez pas traité comme un enfant, puis-je espérer, mon père, que vous ne serez pas irrité contre moi ?