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connaît beaucoup, là ! que veux-tu de mieux ? Il nous répond de lui. Donc, nous pouvons être tranquilles.

« Sur ce, mes amis, allons nous coucher, ajouta le châtelain, enchanté d’accepter, pour un homme qu’il connaissait peu, la caution d’un homme qu’il ne connaissait pas du tout, et dont il ne savait pas seulement le nom ; voilà onze heures qui sonnent, et c’est une heure indue.

— Je vais prendre congé de vous, dit le voyageur, et me retirer, en vous demandant la permission de venir bientôt vous remercier de vos bontés.

— Vous ne partirez pas ce soir, s’écria M. Antoine, c’est impossible, il pleut à verse, les chemins sont perdus, et on n’y voit pas à ses pieds. Si vous vous obstinez à partir, je veux ne jamais vous revoir. »

Il insista si bien, et l’orage était tellement déchaîné en effet, que force fut au jeune homme d’accepter l’hospitalité.

Sylvain Charasson, c’était le nom du page de Châteaubrun, apporta une lanterne, et M. Antoine, prenant le bras du voyageur, le guida, à travers les décombres de son manoir, à la recherche d’une chambre.

Le pavillon carré était occupé à tous les étages par la famille de Châteaubrun ; mais, outre ce petit corps de logis resté debout et fraîchement restauré, il y avait, de l’autre côté du préau, une immense tour, la plus ancienne, la plus haute, la plus épaisse, la plus impossible à détruire qui fût dans tout le domaine, les salles superposées qui la remplissaient étant voûtées en pierres encore plus solidement que le pavillon carré. La bande noire, qui, plusieurs années auparavant, avait acheté ce château pour le démolir, et qui en avait emporté tout le bois et tout le fer, jusqu’au moindre gond de porte, n’avait pas eu besoin d’effondrer l’intérieur des premiers étages, et M. Antoine en avait fait nettoyer et clore un, pour les