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le misse tout de suite en relations. Il accepta le repas que lui offrit le curé, se laissa choyer sans façon et faisant entendre qu’il était en position de rendre encore plus de services aux gens qu’il n’en recevrait d’eux. Il parlait peu, et écoutait beaucoup et s’enquérait de tout, même des choses qui paraissaient fort étrangères aux affaires : par exemple, si les gens du pays étaient dévots sincères ou seulement superstitieux ; si les bourgeois aimaient leurs aises ou s’ils les sacrifiaient à l’économie ; si l’opinion était libérale ou démocratique ; de quelles gens le conseil général du département était composé ; que sais-je ? Quand la nuit vint, il prit un guide pour aller coucher au Pin, et je ne le revis plus que trois jours après. Il passa devant Châteaubrun et s’arrêta à ma porte, pour me remercier, disait-il, de l’obligeance que je lui avais montrée ; mais, dans le fait, je crois, pour me faire encore des questions. — Je reviendrai dans un mois, me dit-il en prenant congé de moi, et je crois que je me déciderai pour Gargilesse. C’est un centre, le lieu me plaît, et j’ai dans l’idée que votre petit ruisseau, que vous faites si méchant, ne sera pas bien difficile à réduire. J’aurai moins de dépenses pour le gouverner que je n’en aurais sur la Creuse ; et, d’ailleurs, l’espèce de petit danger que nous avons couru en le traversant et que nous avons surmonté me fait croire que ma destinée est de vaincre en ce lieu.

« Là-dessus cet homme me quitta. C’était M. Cardonnet.

« Moins de trois semaines après, il revint avec un mécanicien anglais et plusieurs ouvriers de la même partie ; et, depuis ce temps, il n’a cessé de remuer de la terre, du fer et de la pierre à Gargilesse. Acharné à son œuvre, il est levé avant le jour, et couché le dernier. Tel temps qu’il fasse il est dans la vase jusqu’aux genoux, ne perdant