Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— À votre aise, jeune homme, à votre aise, dit le châtelain ; M. Émile n’est pas non plus ami des longues séances, et vous pouvez courir un peu. Janille vous fera voir le château, ou si vous aimez mieux descendre à la rivière, préparez vos lignes ; nous irons vous rejoindre tout à l’heure, et nous vous conduirons où vous trouverez bonne prise.

— Ah ! c’est vrai ! dit le charpentier, c’est un preneur d’ablettes ! Il ne fait que ça tous les soirs à Gargilesse, et quand on lui parle, il fait la grimace parce que ça dérange son poisson. Allons, nous irons tout à l’heure lui faire prendre quelque chose de mieux que son fretin. Écoutez, monsieur Maljuché, si je ne vous fais pas emporter un saumon pour votre souper, je veux changer mon nom pour le vôtre. Vous n’avez pas besoin de tant vous presser. La barque doit être en bon état, car je lui ai mis une pièce au ventre il n’y a pas longtemps. Nous trouverons bien par là quelque vieux harpon, et la Pierre au Diable, où le saumon a coutume de faire un somme au soleil, n’est pas loin d’ici. Mais il y a du danger par là, et vous n’iriez pas seul.

— Nous irons tous, dit Gilberte, si Jean mène la barque : c’est une pêche très amusante et un endroit superbe.

— Oh ! si vous venez, mademoiselle Gilberte, j’attendrai votre bon plaisir, répondit Galuchet.

— Tiens ! ne dirait-on pas qu’elle y va pour toi, gratte-papier ? Ce gars-là est effronté comme tout. Sont-ils tous comme ça dans ton pays ? Oh ! ne prends pas un air fâché et ne me regarde pas par-dessus ton épaule, vois-tu ; car ça ne m’effarouche guère. Si tu veux être bon enfant, je le serai aussi ; mais si parce que tu es habillé de noir comme un notaire, tu crois pouvoir te lever de table quand j’y reste, tu te trompes beaucoup. Assis, assis ! Maljuché, je n’ai pas fini de boire, et tu vas trinquer avec moi.