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— Voilà donc que vous vous mettez aussi après moi, mademoiselle Gilberte ? reprit Galuchet en s’approchant d’elle ; vous croyez ce que dit M. Émile ?

— Ma fille ne se met après personne, Monsieur, dit Janille, et je ne sais pas trop pourquoi vous vous occupez de qui ne s’occupe pas de vous.

— Si vous lui défendez de me donner le bras, reprit Galuchet, je n’ai rien à dire. Il me semble pourtant que ce n’est pas manquer à la civilité française que d’offrir son bras à une demoiselle.

— Ma mère ne me défend pas d’accepter votre bras, monsieur, dit Gilberte avec une douceur pleine de dignité ; mais je vous remercie de votre politesse. Je ne suis pas une Parisienne et ne connais guère l’habitude de prendre un appui pour marcher. D’ailleurs, nos sentiers ne souffrent point cet usage.

— Vos sentiers ne sont pas pires que ceux de Crozant, et plus ils sont difficiles, plus on a besoin de s’appuyer les uns sur les autres. J’ai fort bien vu à Crozant que vous mettiez votre belle main sur l’épaule de M. Émile pour descendre la montagne ; oh ! j’ai vu cela, mademoiselle Gilberte, et j’aurais bien voulu être à sa place !

— Monsieur Galuchet, si vous n’aviez pas bu plus que de raison, dit Émile, vous ne vous occuperiez pas tant de moi, et je vous prierai de ne pas vous en occuper du tout.

— Allons ! voilà-t-il pas que vous vous fâchez, vous ! dit Galuchet tâchant de prendre un ton de bonne humeur. Tout le monde me brutalise ici, excepté M. Antoine.

— C’est peut-être, répondit Émile, que vous vous familiarisez un peu trop avec tout le monde, vous !

— Qu’est-ce qu’il y a ? dit Jean Jappeloup en entrant. Est-ce qu’on se dispute ici ? Allons, me voilà pour mettre la paix. Bonjour, ma mie Janille ; bonjour, ma Gilberte