Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne pas chagriner M. de Châteaubrun, il ne refusait plus de lui faire raison en arrivant. Peut-être même, grâce au prestige complet qu’il subissait dans le lieu où respirait Gilberte, était-il arrivé à trouver cette piquette meilleure que tous les vins fins de la table de son père. Mais, cette fois, le breuvage lui parut amer, lorsque Galuchet, se donnant les airs d’un homme qui daigne hurler avec les loups, approcha son verre du sien, pour trinquer à la manière de M. de Châteaubrun. Il accompagna cette familiarité d’un mouvement du coude et de l’épaule, désagréablement vulgaire, croyant imiter joyeusement la patriarcale simplicité d’Antoine.

« Monsieur le comte, dit Émile en affectant de traiter Antoine avec plus de respect encore que de coutume, je crains que vous n’ayez fait trop boire M. Constant Galuchet. Voyez donc comme il a les yeux rouges et le regard fixe ! Prenez garde ; je vous avertis qu’il a la tête très faible.

— La tête faible, monsieur Émile ! pourquoi dites-vous que j’ai la tête faible ? répondit Galuchet. Vous ne m’avez jamais vu ivre, que je sache.

— Ce sera donc la première fois que j’aurai ce plaisir, si vous continuez à trinquer de la sorte.

— Cela vous ferait donc plaisir de me voir commettre des inconvenances ?

— J’espère que cela n’arrivera pas, si vous suivez mon conseil.

— Eh bien, dit Galuchet en se levant, si M. Antoine veut faire un tour de promenade, je suis tout prêt à offrir mon bras à mademoiselle Gilberte, et l’on verra si je marche de travers.

— J’aime autant ne pas risquer l’épreuve, répondit Gilberte, qui était assise à l’entrée du pavillon et caressait monsieur Sacripant.