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Sa résignation ne partait pas d’un sentiment d’humilité ou de tendresse : car pour ses propres chagrins, il avouait n’avoir jamais pu se soumettre qu’extérieurement ; mais il croyait pour l’univers à une source de fatalisme optimiste qui contrastait avec son pessimisme personnel, et qui formait le trait le plus original de son esprit et de son caractère.

« Voyez, disait-il, la logique est partout ! Elle est infinie dans l’œuvre de Dieu ; mais elle est incomplète et insaisissable dans chaque chose, parce que chaque chose est finie ; l’homme lui-même, bien qu’il soit le reflet le plus frappant de l’infini sur ce petit monde. Nul homme ne peut comprendre la sagesse infinie, si ce n’est à l’état d’abstraction : car, s’il cherche en lui-même et autour de lui, il ne la peut saisir et constater en aucune façon. Vous me traitez souvent de logicien ; j’y consens : j’aime et je cherche la logique. J’en ai un besoin énorme, et ne me complais à rien qui lui soit étranger. Mais suis-je logique dans mes actions et dans mes instincts ? Moins que qui que ce soit au monde. Plus je me tâte, plus je trouve en moi l’abîme des contradictions, le désordre du chaos. Eh bien, je suis un exemple particulier de ce qu’est l’homme en général ; et plus je suis illogique à mes propres yeux, plus je sens la logique de Dieu planer sur ma faible tête, qui s’égarerait sans cette boussole céleste, et rendrait follement l’univers complice responsable de sa propre infirmité. »

Une fois il emmena Émile dans la campagne, et ils firent à cheval l’exploration des vastes propriétés du marquis. Émile fut frappé du peu de rapport d’une telle richesse territoriale.

« Toutes ces fermes sont au plus bas prix possible, répondit le marquis ; quand on ne sait pas sortir des données de l’économie actuelle, le mieux qu’on ait à faire,