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fermées jour et nuit, entretenaient une obscurité profonde ; et saisi d’un vague effroi, comme si la mort était entrée dans cette maison déjà si peu vivante, il courut vers les autres pièces et trouva enfin M. de Boisguilbault étendu sur un lit.

Il avait la pâleur et l’immobilité d’un cadavre. Les dernières clartés du jour jetaient un reflet vague et triste sur cette chambre, et le vieux Martin, que sa surdité empêcha d’entendre l’approche d’Émile, assis au chevet de son maître, avait l’apparence d’une statue.

Émile s’élança vers le lit et saisit la main du marquis. Elle était brûlante ; et les deux vieillards se réveillant, l’un du sommeil de la fièvre, l’autre de la somnolence de la fatigue ou de l’inaction, le jeune homme s’assura bientôt qu’il n’y avait là qu’une indisposition peu grave en elle-même. Cependant les ravages que deux jours de malaise avaient produits sur ce corps débile et usé étaient assez inquiétants pour l’avenir.

« Ah ! vous avez bien fait de venir ! dit M. de Boisguilbault en serrant faiblement la main d’Émile ; l’ennui m’eût vite consumé si vous m’eussiez abandonné ! »

Et Martin, qui n’avait pas entendu les paroles de son maître, mais qui semblait recevoir le contrecoup de ses pensées, répéta d’une voix plus haute qu’il ne croyait :

« Ah ! monsieur Émile, vous avez bien fait de venir ! M.  le marquis s’ennuyait beaucoup de ne pas vous voir. »

Il raconta ensuite comme quoi l’avant-veille, au moment de se retirer dans le parc, M.  le marquis s’était senti pris de fièvre, et s’était imaginé tout tranquillement qu’il allait mourir. Il avait voulu se mettre au lit dans cette même chambre, où il n’avait pourtant pas l’habitude de coucher, et il lui avait donné des instructions comme s’il ne devait plus se relever. La nuit avait été assez agitée, et, le lendemain, le marquis avait dit :