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Mais il est bien rare qu’un portrait nous donne une idée juste du caractère de l’original, et, dans la plupart des cas, on peut bien dire que ce qui ressemble le moins à la personne, c’est son image.

Émile s’était représenté la marquise pâle et triste ; il voyait une belle élégante, au fier et doux sourire, à la pose noble et triomphante. Avait-elle été ainsi avant ou après son mariage ? Ou bien était-ce une nature toute différente de ce qu’il avait supposé ?

Ce qu’il y avait de certain, c’est qu’il voyait là une figure ravissante, et que, comme il lui était impossible de rencontrer l’image de la jeunesse et de la beauté sans se représenter aussitôt Gilberte, il se mit à comparer ces deux types, qui peu à peu lui parurent avoir des affinités.

Le jour baissait rapidement, et, n’osant faire un pas pour se rapprocher du mystérieux cabinet, Émile ne vit bientôt plus la peinture que d’une manière vague.

La peau fraîche et les cheveux dorés qui ressortaient encore lui firent bientôt une illusion si forte, qu’il crut avoir devant les yeux le portrait de Gilberte, et que, quand il n’eut plus dans la vue qu’un brouillard rempli d’étincelles fugitives, il eut besoin de faire un effort de volonté pour se rappeler que sa première impression, la seule juste en pareil cas, ne lui avait offert aucun trait précis de ressemblance entre la figure de madame de Boisguilbault et celle de mademoiselle de Châteaubrun.

Il sortit du chalet, et ne rencontrant personne dans le parc, il se dirigea vers le château.

Le même silence, la même solitude régnaient dans la cour. Il monta l’escalier de la tourelle, sans que Martin vînt à sa rencontre, pour l’annoncer avec ce ton de cérémonie dont il ne se départait jamais, même envers l’unique habitué de la maison.

Enfin, il pénétra jusque dans le salon, où les jalousies,