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trouver derrière ces murailles à l’aspect terrible, il se dit qu’on ne l’attendait à Gargilesse que le lendemain dans la journée ; qu’en y arrivant au milieu de la nuit, il y dérangerait le sommeil de ses parents ; qu’enfin il y avait, à persister dans son projet, une véritable imprudence dont, à coup sûr, sa mère le détournerait, si elle pouvait, à cette heure, se faire entendre de lui. Touché de toutes les bonnes raisons qu’on se donne à soi-même quand le démon de la jeunesse et de la curiosité s’en mêle, il suivit son guide dans la direction du vieux château.


II.

LE MANOIR DE CHÂTEAUBRUN


Après avoir péniblement gravi un chemin escarpé, ou plutôt un escalier pratiqué dans le roc, nos voyageurs arrivèrent, au bout de vingt minutes, à l’entrée de Châteaubrun. Le vent et la pluie redoublaient, et le jeune homme n’eut guère le loisir de contempler le vaste portail qui n’offrait à sa vue, en cet instant, qu’une masse confuse de proportions formidables. Il remarqua seulement qu’en guise de clôture, la herse seigneuriale était remplacée par une barrière de bois, pareille à celles qui ferment les prés du pays.

« Attendez, Monsieur, lui dit son guide. Je vais passer par là-dessus et aller chercher la clef ; car la vieille Janille ne s’est-elle pas imaginé, depuis quelque temps, de faire placer ici un cadenas, comme s’il y avait quelque chose à voler chez ses maîtres ? Au reste, son intention est bonne, et je ne la blâme pas. »

Le paysan escalada la barrière fort adroitement, et, en attendant qu’il fût de retour pour l’introduire, le jeune