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avait fait de faux rapports. Mais je n’ai jamais deviné qui ce pouvait, être, car je ne me suis jamais connu d’autres ennemis que les gardes champêtres et les gabelous. J’ai gardé le silence ; je ne me suis pas plaint de vous, mais je vous ai plaint d’être crédule pour le mal, et comme je vous aimais un peu, ça m’a chagriné de vous trouver des torts.

« M. de Boisguilbault avait toujours l’air de ne pas m’entendre ; mais quand j’eus tout dit :

« — De combien est ton amende ? dit-il d’un ton d’indifférence.

« — Le tout réuni se monte à un millier de francs, plus les frais.

« — Eh bien, va-t-en dire au maire de ton village… M. Cardonnet, n’est-ce pas ? de m’envoyer une personne de confiance pour que je puisse régler tes affaires avec l’autorité. Tu lui diras que je ne sors pas, que je suis d’une mauvaise santé, mais que je le prie d’avoir cette obligeance.

« — Est-ce que vous consentez à me servir de caution ?

« — Non, je paie ton amende. Tu peux t’en aller. — Et quand voulez-vous que je revienne travailler chez vous pour m’acquitter envers vous ? — Je n’ai pas d’ouvrage, ne viens pas. — Vous voulez donc me faire l’aumône ? — Non pas, mais te rendre un très petit service qui me coûte peu. C’est assez ; laisse-moi. — Et si je ne veux pas l’accepter ? — Tu auras tort. — Et vous ne voulez pas que je vous remercie ? — C’est inutile. » Là-dessus il m’a bel et bien tourné le dos, et il s’en allait tout de bon, mais je l’ai suivi ; et sachant bien que les longs compliments n’étaient pas de son goût, je lui ai dit comme ça : « Monsieur de Boisguilbault, une poignée de main, s’il vous plaît ! »

— Quoi ! tu as osé lui dire cela ? s’écria Janille.