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l’orage a détruit votre domaine ; avec le caractère que je vous connais, au lieu de vous lamenter, vous vous mettriez de suite à l’œuvre pour le relever.

« — Mais ta comparaison ne rime à rien, fit M. Antoine. Je n’ai pas de quoi réparer ce château, et quand je l’aurais, je n’en serais pas plus avancé, puisque cette carcasse même ne m’appartient plus.

« — Un petit moment, fis-je, combien vous en a-t-on demandé lorsque vous avez offert de racheter seulement la maison et le petit lot de terre qui y reste annexé, le verger, le jardin, la colline et le petit pré au bord de l’eau ? — Je ne demandais pas cela sérieusement, Janille, mais seulement pour voir à quel bas prix était tombée une si riche demeure. On me fit dix mille francs ce qui en restait, et je me retirai, sachant que dix mille francs et moi ne passerions jamais par la même porte.

« — Eh bien, monsieur, repris-je, il ne s’agit plus de dix mille francs, mais de quatre mille seulement à l’heure qu’il est. On pensait que vous ne pourriez pas y tenir, et que vous dépenseriez le capital qui vous reste à vous réintégrer dans les débris de votre seigneurie. Voilà pourquoi on portait à dix mille francs un bien qui n’en vaut pas la moitié et qui ne peut convenir qu’à vous seul ; mais depuis qu’on vous y a vu renoncer, on a été plus modeste. J’ai fait agir en dessous main, à votre insu et sous un nom étranger. Dites-moi oui, et demain vous serez seigneur de Châteaubrun.

« — Et à quoi cela me servirait-il, ma bonne Janille ? dit monsieur : que ferais-je de ce tas de pierres et de ces trois ou quatre pans de mur sans portes ni fenêtres ?

« Je fis alors observer à monsieur que le pavillon carré était encore fort sain, que les voûtes étaient bien conservées, l’intérieur des chambres parfaitement sec, et qu’il ne s’agissait que de le couvrir en tuiles, d’en refaire la