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à Janille et à Sylvain lorsqu’ils étaient ensemble, soit aux paysans de son endroit. Gilberte rencontra donc avec étonnement le regard rapide et involontaire que le jeune Cardonnet jeta sur elle. Il avait tressailli, et un sentiment confus de sympathie, de crainte et de plaisir avait fait battre son cœur en s’entendant confondre avec la belle Gilberte dans cette paternelle appellation du châtelain.


IX.

M. ANTOINE.


Cette fois le déjeuner fut un peu plus confortable que de coutume à Châteaubrun. Janille avait eu le temps de faire quelques préparatifs. Elle s’était procuré du laitage, du miel, des œufs, et elle avait bravement sacrifié deux poulets qui chantaient encore lorsque Émile avait paru sur le sentier, mais qui, mis tout chauds sur le gril, furent assez tendres.

Le jeune homme avait gagné de l’appétit dans le verger, et il trouva ce repas excellent. Les éloges qu’il y donna flattèrent beaucoup Janille, qui s’assit comme de coutume en face de son maître et fit les honneurs de la table avec une certaine distinction.

Elle fut surtout fort touchée de l’approbation que son hôte donna à des confitures de mûres sauvages confectionnées par elle.

« Petite mère, lui dit Gilberte, il faudra envoyer un échantillon de ton savoir-faire et ta recette à madame Cardonnet, pour qu’elle nous accorde en échange du plant de fraises ananas.

— Ça ne vaut pas le diable, vos grosses fraises de jardin, répondit Janille ; ça ne sent que l’eau. J’aime bien mieux nos petites fraises de montagne, si rouges et si