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est loin de me déplaire. J’aime la sincérité par-dessus tout ; je l’aime peut-être plus que la raison, et je fais un appel à votre franchise entière. Qu’est-ce qui vous a décidée à accepter de si minces honoraires pour venir tenir compagnie à une vieille femme infirme et peut-être fort ennuyeuse ?

— D’abord, madame, on m’a dit que vous aviez beaucoup d’esprit et de bonté, et je n’ai pas cru par conséquent devoir m’ennuyer près de vous ; ensuite, quand même j’aurais dû beaucoup souffrir, il était de mon devoir de tout accepter plutôt que de rester dans l’inaction. Mon père ne nous ayant pas laissé de fortune, ma sœur du moins était assez bien mariée, et je vivais avec elle sans scrupule mais son mari, dont toute l’aisance provenait d’un emploi, est mort dernièrement après une longue et cruelle maladie qui a absorbé toutes les économies du ménage. C’est donc à moi naturellement de soutenir ma sœur et ses quatre enfants.

— Avec douze cents francs ? s’écria la marquise. Non, cela ne se peut pas. Ah ! mon Dieu ! madame d’Arglade ne m’avait pas dit cela. Elle a sans doute craint la méfiance qu’inspire le malheur ; mais elle a eu bien tort en ce qui me concerne ; votre dévouement m’intéresse, et si nous nous convenons d’ailleurs, je veux que vous vous ressentiez de mon estime. Fiez-vous à moi ; je ferai de mon mieux.

— Ah ! madame, lui répondis-je, que j’aie ou non le bonheur de vous convenir, laissez-moi vous remer-