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diable ! À trente-six ans, on n’est pas perdu ! on n’est qu’un peu usé. Je me rangerai… d’autant plus qu’il le faut ! Eh bien ! tant mieux ! Je me referai une santé, une jeunesse. J’irai passer l’été avec ma mère et toi à la campagne ; je vous raconterai des histoires, je vous ferai encore rire. Allons ! aide-moi donc à faire des projets, soutiens-moi, relève-moi, console-moi, car, en fin de compte, je ne sais où j’en suis et me sens bien malheureux !

Le marquis avait déjà remarqué, sans en avoir l’air, la disparition des armes qui se trouvaient en vue une heure auparavant. Il avait d’ailleurs lu sur le visage de son frère l’horrible crise qu’il venait de subir. Il savait que son courage moral n’allait pas au delà de certaines épreuves. — Habille-toi, lui dit-il, et viens déjeuner avec moi. Nous causerons, nous ferons des châteaux en Espagne. Qui sait si je ne te prouverai pas que, dans certaines situations, on commence à être riche le jour où l’on devient pauvre ?


V


Le marquis emmena son frère au bois de Boulogne, lequel, à cette époque, n’était pas un jardin anglais splendide, mais un charmant bosquet plein d’ombre et de rêverie. On était aux premiers jours d’avril, le